Je ne sais trop
comment parler de ce livre. Je l'ai aimé car il est prenant, happant, que
l'histoire est bien faite, le style plus que sympathique. Et en même temps,
j'ai détesté ce livre. Il livre la vie dans ses plus mauvais moments, ses plus
mauvais côtés. Crûment, sans épargner le lecteur. Il lui balance dans la gueule
les atrocités de la vie, quasiment du premier au dernier mot.
Reprenons un peu
l'histoire. Julian, 18 ans, champion de natation. Un but : battre son père au
bras de fer. Et gagner sa moto, synonyme de liberté et d'émancipation. Une vie
de grand ado banale. Il a aussi Leïla, sa perle, son oasis d'amour et
d'affection. Celle qui, même s'ils sont ensemble depuis quelques temps, a
toujours refusé de s'offrir à lui. Une fleur à la beauté renversante.
Jusqu'au jour où au
moment sa vie prend un nouveau tournant. Forcé. Comme une moto doit suivre les
virages de la route. Nuit. Moto. Ivresse de la vitesse. Virage. Raté. Crash.
Hôpital. Le verdict tombe, irrévocable : son bras ne pourra pas lui être
greffé. Désormais, Julian est un manchot. Et va devoir composer avec.
Il croit tout perdre
: la natation, les études, sa vie telle qu'il la connaît. Une chose lui reste,
pourtant si importante : Leïla, et son amour. Mais l'amour, s'il peut donner
des ailes, ne rend pas les bras. Julian tombe, et ne fait rien pour freiner sa
chute. Une descente dans les Enfers de la vie …
Je voudrai parler de
Leïla. Pour une fois, je ne commence pas par le personnage principal, ou je risquerai
d'assassiner Julian. Ainsi, je verrai tout au travers de Leïla (oui, je sais je
suis si bizarre).
Sensible, douce, elle
personnifie telle que nous l'aimons, belle et joyeuse, la vie et ses moments
d'allégresse. Pourtant, Leïla est malade. Malade d'amour pour Julian. Alors,
dans la pauvreté et la misère, dans l'enfer qu'il vit et dans lequel il
s'enferme. Elle veut être sa bouée de sauvetage, celle qui lui sortira la tête
de l'eau. Or, à trop vouloir aider les autres, on s'oublie soi-même. Et à nager
à contre-courant pour sauver une personne, on finit souvent par se noyer.
On a envie de lui
crier "Sauve-toi Leïla. Il ne te mérite pas." Et en même temps de lui
murmurer "Crois en tes rêves. Tu pourras le sauver."
Julian maintenant.
Perdu dans les méandres de la vie, enfin, si l'on peut dire ça. Car sa vie
s'est arrêté au moment où son bras s'est séparé de son corps. Depuis, il ne vit
plus. Il meurt lentement.
Déchéance, abandon.
Ce qu'il lui reste ?
Un père expansif comme une huître, ouvrier et syndicaliste convaincu, une mère
inquiète et affective mais aussi autoritaire et aidante qu'une moule, et Leïla.
Un rayon de soleil dans le nuage noir qu'il se trimbale. Mais le soleil ne
guérit pas la dépression ou l'addiction. Il vole juste quelques moments de bonheur
et de "Je me sens mieux".
Alors, au milieu de
ces malheurs, Julian survit, jusqu'au moment où il se rend compte qu'il a fait
une grosse, grosse connerie. Il va lutter contre l'eau, contre les évènements,
et peut être gagner la berge, où l'attend Leïla, peut être …
Chaque personnage du
roman pourrait être la personnification de quelque chose. Leïla serait la vie,
Julian la déchéance peut être, la loupe sur notre société et ses malheurs. Le
père de Julian pourrait représenter la paternité dure et non-expansive, sa mère
l'impuissance et la peur. Frangin serait alors la tentation et Mathis la méchanceté et la
fausse gentillesse, l'hypocrisie.
Tous ces aspects
représente dans son entier notre société. Ce roman, à travers cette fiction,
montre les aspects les plus mauvais de notre quotidien, desquels, nous ados,
sommes assez protégés. Ce livre m'a foutu une claque magistrale en dépeignant
avec tant de réalité la vie dans ces conditions-là. Un irrépressible besoin de
fraîcheur s'est fait sentir quand j'ai clos mon livre Un besoin de me
"laver", en quelque sorte, de retrouver l'innocence que j'avais avant
de lire ce livre.
Parlons désormais de l'écriture de Jérôme Bourgine. Ce dernier a une plume
originale et tellement extraordinaire. En plus de nous emmener dans son histoire
comme une pierre rentre dans l'eau, il nous balance des choses atroces crûment,
mais son écriture sait les radoucir. Comme un voile qui protégerait un peu le
lecteur. Une écriture géniale qui nous remplit de contresens : on adore et
déteste en même temps Julian, on a peine et joie pour Leïla, …
Des personnages
géniaux, des faits indéniables de notre vie quotidienne, une réalité extrême,
tout ça porté par l'extraordinaire écriture de Jérôme Bourgine !
Un roman fort
et puissant !
Un Exprim' quoi … :D
Théo
Quel article ! Tu gagnes en maturité, en sobriété et l'émotion passe mieux que jamais ! Je suis contente que tu sois allé au bout de ce roman coup de poing, si bouleversant, qui reste si fort dans la mémoire. Véronique D.
RépondreSupprimerTout à fait d'accord. Je le fais suivre illico à Jérôme, c'est un article à l'image du roman : trempé dans l'acier. Merci !
RépondreSupprimerTibo
Merci beaucoup Véronique :)
RépondreSupprimerTibo : Merci de le faire suivre à l'auteur, c'est sympa ! Peux tu me tenir au courant de son avis sur l'article ?
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