mercredi 23 octobre 2013



Il est 10H20 au TnBA (Théâtre National Bordeaux Aquitaine) lorsque Alain Rousset, Président du conseil général, prend la parole, pour ouvrir la 3ème édition des Tribunes de la Presse. Il rappelle un ancien évènement, La ligue de l'enseignement, disparue il y a quelques années et dont les racines étaient Arcachon. Nostalgique de cette manifestation, il nous raconte comment, grâce à un de ses adjoints, et un beau projet, les Tribune sont nées à Arcachon, il y trois ans. Mais l'an dernier, l'évènement se rapatrie à Bordeaux. L'évènement à Arcachon était trop cher et trop coûteux. Depuis deux ans sous la ciel étoilé du TnBA, les Tribunes sont des journées de liberté, où chacun peut s'exprimer, et livrer la vérité."Le but des Tribunes, c'est aussi d'apporter aux jeunes un ragrd citoyen et cultivé", conclut-il avant de laisser la parole  Bernard Guetta.

Alors, ce dernier, chroniquer politique sur France Inter et journaliste à Libération, nous rappelle combien la presse est récente et surtout, comment depuis sa création, elle affronte problèmes sur problèmes. En effet, dès sa création, ce média connaît la censure, exercée par les gouvernements ou les religions, et les problèmes financiers, qui ne font que s'accroître aujourd'hui.

En effet, rappelle-t-il, tous les ans des journalistes sont tués ou emprisonnés dans l'exercice de leurs fonctions, ce qui place le journalisme comme, selon lui, "le métier le plus dangereux physiquement parlant". De plus, il rappelle les nombreuses questions qui se posent depuis la création de la presse, comme celles sur la manière d'exercer le métier, sur le rapport avec l'état et enfin sur l'objective de la presse.

"Je fais partie d'une minorité qui ne croit pas à l'objectivité de la presse", confie Bernard Guetta

Tous les problèmes sont les mêmes depuis le début, pourtant "jamais on ne s'était posé la question de savoir si la presse  pourrait survivre", dit-il, d'un ton alarmant. En effet, le développement d’Internet et des chaînes "All Nnews" renforcent le problème. "La survie de la presse est menacée, économiquement et technologiquement", conclut-il.

La cérémonie d'ouverture achevée par le directeur de  Courrier International, la première conférence "Combattre la censure", peut commencer.

Agnès Gaudin, chef du service Asie à Courrier International et animatrice pour cette conférence prend place, avec Christophe Deloire, Anne-Marie Mergier et Chang Ping. Après une courte présentation, elle laisse la parole à Christophe Deloire.

Directeur général de Reporters sans frontières, il nous rappelle le rôle de cette agence, qui comprend 130 journalistes (19 sont en détention actuellement). Elle doit défendre l'information, puisque, "la liberté de l'info, c'est celle qui permet de vérifier toutes les autres." Il rappelle des chiffres alarmants : "l'an dernier, 88 journalistes sont morts dans l'exercice de leur fonction dans tout le monde". 187 journalistes sont encore emprisonnées, et 157 blogueurs sont aussi retenus en otage (dont 35 au Vietnam). Il prend aussi pour exemple la Syrie, où des tribunaux islamiques empêchent les journalistes d’exercer leur métier s'ils ne diffusent pas la propagande officielle.
Il existe aussi des "pays trous noirs de l'information", qui sont les derniers au classement mondial de la liberté de la presse. Le dernier est l’Érythrée, L’État s'évertue à détruire la presse privée pour diffuser uniquement l'information donnée par le service public. Les journalistes sont emprisonnés, mais RSF essaie par tous les moyens de diffuser une radio libre, mais s'ils sont souvent coupés.
La Chine n'est pas non plus en reste. Il existe en Chine de très bons journalistes mais aucun ne 'exprime sur la politique, et sur le régime (auquel cas ils sont emprisonnés). Il existe aussi la "Grande Muraille technologique de Chine". Il s'agit de personnes, payées pour scruter et surveiller le net. Par exemple, évoquer l'évènement de Tian'anmen, et sa date, le 4 juin (on ne retient que celle-ci sur les trois mois de manifestations car c'est là qu'a eu lieu principalement la réplique sanglante du gouvernement). Pourtant les gens arrivent à en parler, en évoquant une autre date par exemple.


"La Chine investit plus d'argent pour sa sécurité intérieure que pour son armée", dit Christophe Deloire
L'Iran et son internet "Hallal", clos, prive les gens de liberté d'expression, alors qu'en Russie, ce sont les loi contre la liberté de l'information et les contrats de publicité accordés par l’État qui régissent cette liberté (toutes ces  mesures ont été prise après que le peuple ait pris de plus en plus de libertés civiles). Il évoque aussi les démocraties, qui ne sont pas toutes roses. En effet, la censure existe, mais sous d'autres formes, comme l'autocensure ou la censure pour les intérêts des investisseurs ou autres ...

Anne-Marie Vergier, journaliste à Proceso depuis 37 ans, a travaillé 20 ans au Mexique avant de devenir la correspondante de ce journal en France, prend alors la parole. Le Mexique est une démocratie mais ce pays, coincé entre des pays producteurs de drogue et des pays consommateurs de drogue, est régi par conséquent par cette drogue. Les grands pouvoirs des narcotrafiquants et des cartels de drogue leur ont permi d'infiltrer l'état et la fonction publique. Leur extrême violence amène de 60 000 à 100 000 morts, et les journalistes sont également visés.
Après ce tableau mexicain, elle s'attarde sur la situation de Proceso : "Proceso, c'est 100 000 exemplaires tirés chaque jour, et un journal totalement indépendant".  Ce journal reconnu au Mexique veut lutter contre les drogues et les narcotrafiquants, et c'est dans ce but qu'ils ont créé la rubrique "Narcotrafico". Cette rubrique qui paraît toutes les semaines est constituée d'enquêtes sur des cartels et l'implication des hommes politiques, sur le fonctionnement des gangs ou encore sur le crime organisé.

Ce journal doit donc affronter les méthodes de la censure. Déjà, par les pubs de presse offertes par l'état. Si le journal est "gentil", alors il a beaucoup de pub et de bons moyens financiers. En revanche, si le journal s'oppose au pouvoir, alors il est stigmatisé par les pouvoirs publics et privés. Proceso, depuis sa création, n'a eu entre ses pages aucune publicité. "Le siège social de Proceso, c'est un vieil immeuble.", dit-elle. Les moyens financiers sont donc limités.
Lorsqu'une enquête paraît sur un gouverneur, celui-ci donne l'ordre de faire disparaître les 5000 ou 6000 journaux qui devait paraître dans son état. "Mais il a la gentillesse de les acheter", ajoute-t-elle. Quand bien même, des formats PDF circulent alors, pour informer les gens.
Une autre forme de censure au Mexique consiste à priver le journal de papier à prix réduit. Encore une fois, si le journal mécontente le gouvernement, il ne dispose plus de papier à prix réduit pendant un certain temps.

"Depuis  ans, les méthodes de censure sont plus violentes", argumente Mme Vergier. Les journalistes de  Proceso sont sur écoute et leurs mails sont surveillés. Des personnes rôdent autour de l'immeuble. Elle rappelle des chiffre qui inquiètent : 87 journalistes tués dans les 12 dernières années. Avant cela, ils reçoivent des messages, des appels, à des heures où leurs enfants peuvent décrocher. Des journalistes sont passés à tabac et 17 journalistes sont portés disparus. Elle ajoute, pour le cas de Proceso : "on est tous en permanence sous surveillance et nous subissons des menaces, on nous a harcelés". 2 de leurs journalistes ont été enlevés, l'une seulement quelques heures et l'autre, enlevé pendant trois jours, a été torturé. Mais ce n'est rien comparé au cas de Regina Martinez, dont elle va nous raconter l'histoire avec émotions. "Cela faisait 20 ans que Regina était journaliste et 12 ans qu'elle était la correspondante de Proceso pour l'état de Veracruz.", commence-t-elle par dire. Cette journaliste a été assassinée dans sa maison dans la nuit du 27 au 28 avril 2012, juste après qu'un article qu'elle avait écrit sur le gouverneur de Veracruz soit publié. "Elle a été massacrée, étranglée, puis tuée. Son visage était lui aussi massacré", raconte-t-elle. Habituellement, quand un journaliste meurt, ses directeurs font profil bas. Mais à Proceso, les dirigeants était dès le lendmain dans le bureau du gouverneur. "Celui-ci faisait semblant d'être désolé. Mais nos directeur ne voulaient pas de bobards. Ils ont exigé de savoir qui était le coupable et d'être tenu au courant de l'avancée de l'enquête.", poursuit-t-elle. "6 mois après, ils nous ont présenté un homme analphabète, prostitué et séropositif qui était censé être le tueur, accompagné d'un complice qui était censé être l'amant de Regina. Après quelques mois d’emprisonnement, il a avoué qu'on l'avait forcé à dire qu'il était coupable, et que lui n'avait jamais rien fait. L'enquête se retrouvait au point mort". finit-elle. Le journaliste qui a couvert l'enquête a reçu des menaces d'enlèvement et de mort. Après un exil en Europe, il est retournée vivre au Mexique, avec des vigiles.

"J'ai peur de ce que je vais écrire", a dit le journaliste ayant couvert l'enquête.

La parole passe alors à Chang Ping, éditorialiste chinois exilé en Allemagne. Là, j'avoue que personne n'a vraiment compris ce qu'il nous a raconté. La chose essentielle à retenir est, je pense, que le pouvoir chinois a une armée technologique qui traque les posts sur des microblogs. Si l'un d'entre eux est contraire au pouvoir et qu'il est vu plus de 5.000 fois, alors l'auteur risque la prison. Pour retrouver les auteurs de ce blogs, le pouvoir du système BigV.

La médiatrice remet alors le micro à la salle. Une première personne demande une définition large de la censure.

Anne-Marie Vergier répond alors : "Il s'agit d'empêcher par un moyen ou un autre que l'information circule." Et à Chang Ping d'ajouter : "Je suis d'accord, par toutes les méthodes. Le pire en Chine, c'est la manipulation de l'interprétation de l'information. Tous les méfaits dont on a parlé existe aussi en Chine sauf l'assassinat."

Alors, Anne-Marie reprend la parole et nous raconte une histoire encore horrible. Trois jeunes blogueurs ont été retrouvés pendus sous un pont après avoir parlé de la drogue sur un microblog. Au Mexique, tout ceci est tabou.

Alors, une autre question arrive : "Existe-t-il au niveau mondial une organisation qui lutte contre la censure" ?
Christophe Deloire semble le plus à même de répondre à cette question. Il rappelle que l'article 19 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen protège et garantit la liberté d'expression et d'information. "Beaucoup d'autres textes tentent aussi de protéger ces libertés", ajoute-t-il. A l'ONU, il n'existe pas de service spécial pour cela, mais des ONG tentent tout de même protéger ces deux libertés. Ainsi, on peut citer Article 19 à Londres ou encore le CPJ (Comité de protection des journalistes) et RSF (Reporters sans frontières). Cette dernière ONG, dont il est président, apporte sa protection et son soutien aux journalistes et aux blogueurs en portant sur la place mondiale les différentes affaires, en organisant des manifestations ou encore par une aide financière. Ils interviennent aussi en tant que consultants à l'ONU, à l'UNESCO, ... Ils ont permis la Résolution en  2006 et influencent des textes de loi (en France aussi). Le classement des pays à la liberté de l'information qu'ils font permet aussi certaines solutions. Par exemple, les pays ma classées veulent savoir comment ils pourraient remonter. RSF fait alors des suggestions, et c'est ainsi qu’un jeune journaliste fut libéré alors qu'il avait été condamné à perpétuité.

Les premiers intervenants se retirent, bien en retard, sous les applaudissements du public, content d'avoir appris plein de choses grâce à des interventions vivantes et passionnantes.

La seconde conférence peut commencer : La censure vue du France. On nous rappelle que la France n'est que 37ème au classement (voir plus haut) entre El Salvador et la Lettonie.

Jean-Marie Charon, président de la Conférence Nationale des Métiers du Journalisme, est le ^premier à prendre la parole. Il rappelle que la presse a connu la censure dès ses débuts avec La Gazette. Il aura aussi fallu dix ans après le II Empire pour avoir la première loi sur la liberté de presse. "Toutes les guerres amènent de la censure, souvent a priori (c'est-à-dire que l'on dit aux gens "Ne parlez pas de ça, n'écrivez pas ça, dites ça, ..."). Pourtant la guerre d'Algérie a mené une guerre a posteriori.", complète-t-il, avant de demander à Jean-François Juliard, rédacteur en chef adjoint du Canard enchaîné de raconter un peu l'histoire de ce journal. 
Le but de ce journal satyrique, qui arrive dans un moment de grande censure, est de combattre la censure par un ton humoristique et d'amener la vérité, toujours avec un second degré (exemple de la Charte du Canard Enchaîné).

"Parler de censure en France est déjà un débat de luxe."
Il existe trois types de censure :
_ celle qui nous est imposée (un cas rare en France)
_ celle qui s'impose à nous (situation économique ou sociale particulières, ... ) La question reste : héroïsme ou résignation ?
_ celle que nous nous imposons (par exemple, on dispose d'une information sur une excellente source, mais on ne la publie pas pour ne perdre la source, ou encore la même chose sur un investisseur majoritaire ...)

"Le Canard, c'est l'enfant des tranchées et de la censure de guerre.", Jean-François Juliard
Le Canard n 'admet aucune pub, et écarte donc directement la censure économique. 

Gerry Feehily, Irlandais venu en France, responsable de la rubrique Médias à Courrier International et médiateur de cette conférence, demande : "Il y a beaucoup de politiques mariés à des journalistes en France, ce qui est surprenant. Y a-t-il trop de collision enre la presse et la politique pour garantir la totale liberté de la presse ?"

C'est un oui catégorique pour Jean-François Juliard. Il cite l'exemple des voyages de presse, où des ministres invitent des journalistes. Et il pense aussi "qu'un journaliste de l'AFP suivant un parti va plus facilement aller aux meetings de ce parti et transmettre les informations". 

Jean-Marie Charon est d'accord avec M.Juliard, et renfile sa casquette d'historien pour nous rappeler qu'une centaine de journaux, distants du pouvoir, sont créés en quelques semaines. Ceci garantissait le pluralisme de la presse. Mais, lors de la IIIème République, on assiste à de nombreuses carrières, à la fois, de journalistes et de politique. Cela a rendu, et rend désormais, difficile la distance entre presse et politique.

Fin 1917, à Clémenceau : "Allez-vous supprimer la censure à la fin de la guerre ?" Et lui répond : "Sûrement pas ! Vous êtes mes meilleurs gendarmes !"
Et Jean-François Juliard nous explique juste après qu'un homme politique fait une confidence sur un propos tenu lors d'une réunion ou à l'Assemblée Nationale fait pas ça pour la liberté de la presse, mais pour le buzz !
C'est seulement en 1917 que les premiers journalistes français peuvent venir dans les tranchées, alors que des anglais et des italiens ont déjà pu venir depuis longtemps ! C'est l'exemple même de la censure de guerre, qui interdit aux gens de voir les conditions dans les tranchées. "S'il n'y a pas de dispositifs pour accompagner les journalistes sur le terrain avec les soldats, alors il n'y a pas de témoins", finit-il par dire, avant de comparer ce fait à la guerre d'Irak, que les français ont pu couvrir facielement comme le pays n'était pas engagé. 

"Toute information constitue un danger en soi.", Jean-François Juliard
Puis, il nous envoie en 1985. Jean-François n'était alors qu'un jeune journaliste au Canard. La guerre entre l'Iran et l'Irak fait rage. La France est avec l'Irak et a décrété un embargo contre l'Iiran. Jean-François apprend alors qu'une entreprise française a transgressé la règle et vendu des obus à l'Iran. "C'était un véritable scoop !", nous dit-il. Pourtant, dans le même temps, l’État, qui a appris le scoop, les informe que des otages français sont retenus en Iran et risquent de mourir. Après plusieurs réunions, le journaliste et ses collègues décident de ne pas publier l'information. Une information aux lecteurs paraîtra plus tard pour leur expliquer les raisons de ce choix.

"Je suis fier de ne pas avoir publié cette information, si cela a pu peut-être sauver des vies.", Jean-François Juliard
Voilà, ma matinée aux Tribunes s'est achevée ici ! Quel dommage de ne pas pouvoir revenir à un autre moment ! 

J'espère que cet article assez long vous aura intéressé !  A bientôt
Théo

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Amicalement
Théo