samedi 5 juillet 2014


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(Cette chronique commence par un poème, parce que je ne trouvais pas les mots pour ma chronique alors que pour un poème si !)

Sortez les violons,
amenez les percussions,
préparez vos cordes
et soufflez dans vos cuivres.
Jouez, jouez à l'unisson
 de cette Symphonie la partition.
Valse lente et entêtante,
Riff étourdissant et tempo lancinant.
Faites jaillir de vos instruments
Les notes de ces mouvements
Et amenez dans nos cœurs
La joie, l'amour et le bonheur. 

Cela fait dix minutes que je cherche les mots, les beaux mots, les bons mots, pour vous dire combien cette histoire m'a ravi, combien elle m'a fait voyager. Voyage initiatique au pays de l'Humain. Abrielle, Ca, Sa, Abela, Braden, Baako, Dimi, … Tous ces noms tournent et retournent dans mon esprit. Il est temps de revenir ce roman de Carina Rozenfeld, qui encore une fois se distingue par la beauté de l'écriture, la place importante de la musique et l'oubli du passé.

Par quoi commencer ? Sûrement par l'indéniable talent de Carina Rozenfeld. Tout d'abord, son talent pour inventer des histoire toujours plus originales, toujours plus lointaines de notre monde et paradoxalement toujours plus proches de nous. Un talent certain pour l'écriture aussi. Encore une fois ses mots sublimes savent nous porter vers ce monde qu'elle a créé. Et ce monde s'inscrit, souvenir parmi les souvenirs, dans notre esprit. Il devient le théâtre de ses personnages, lieu familier, à la fois paisible et hostile. Lieu paradisiaque où règne un véritable enfer. 

Dans un régime totalitaire où chacun se doit de suivre des règles strictes et d'obéir au gardien en chef qui possède tous les pouvoirs vit Abrielle, fille d'Abela. Dans ce monde, la musique est absolument proscrite, car elle est un réceptacle aux émotions de chacun et un défouloir pour protester. Depuis qu'elle est petite, Abrielle a en elle des mélodies, dont elle ne connaît pas l'origine. Mais les partager, les chanter lui est totalement interdit. Enfermée dans un village aux règles trop strictes, sur une île entourée d'un mur infranchissable, Abrielle doit trouver un moyen de se libérer de son carcan de règles, quitte à affronter ce que représente le reste de l'île. Dans un autre régime totalitaire vivent Ca et Sa. Iels sont des Neutres, asexués. Oui j'ai bien écrit "iels", contraction de ils et elles. Une belle trouvaille de Carina Rozenfeld pour désigner ces neutres, qui propose une alternative intéressante : choisir soi-même son propre sexe à sa majorité. Mais dans le régime où vivent Sa et Ca, tout contact entre deux êtres est proscrit et une distance minimum de 30 cm doit être respectée. Tout sentiment est banni si ce n'est une "amitié fraternelle". Ainsi pas d'amour donc logiquement pas de haine ? Seulement, Sa et Ca s'aiment, et personne ne doit le savoir car ils risquent de le payer de leurs vies.

Le roman se découpe en deux partitions, celle d'Abrielle puis celle de Ca et Sa. Tour à tour, Carina nous narre leur histoire, leur passé et leur présent, et même leur futur, leurs projets. Mais pourquoi deux mondes si différents ? Pourquoi des personnages si différents ? Lisez le roman ! Mwahahaha !

L'auteure pose ici des réflexions intéressantes sur les régimes totalitaires et sur la sexualité. Les premiers permettent-ils, en supprimant certaines libertés, de préserver les Hommes et sont-ils finalement une bonne porte vers la survie ? Encadrer les hommes, les enfermer dans une existence millimétrée où chacun est utile et où les règles sont strictes peut-il permettre de sauver les hommes ? Est-ce une solution durable ? Ce roman présente les aspects positifs et négatifs des systèmes décrits même si bien sûr, c'est de l'amertume que nous éprouvons envers ces régimes qui briment les habitants. De par la neutralité des jeunes jusqu'à  leur majorité, Carina Rozenfeld ajoute à son récit une nouvelle dimension : celle de la sexualité, et propose une alternative intéressante : pouvoir choisir son sexe. Il y a des avantages et des inconvénients mais en étant ni filles ni garçons, les jeunes sont ils plus égaux entre eux ? Et aux yeux des adultes ? Cela permet-il d'être plus soi-même ? Choisir soi-même son sexe permettrait-il de plus s'affirmer ? Et au prix de quoi ? Des réflexions intéressants et actuelles, alors que la théorie du genre faisait il y a quelques temps grands bruits et que les esprits s'échauffait le mariage pour tous (Carina Rozenfeld évoque aussi l'homosexualité dans son roman). Les sociétés qui sont ici présentées, bien qu'imparfaites, proposent aussi des idées intéressantes. Elles ne sont pas totalement mauvaises, mais ne sont vraiment pas toutes roses non plus.

Les personnages de ce roman sont un véritable plus, car ils sont le reflet de ces sociétés. Certains sont formatés, parfaits citoyens, d'autres sont déviants, rebelles, révoltés. On explore ainsi les différentes facettes des sociétés, mais surtout on découvre les différentes facettes de l'Humain. Encore une fois, Carina Rozenfeld crée des personnages profondément humains, profondément touchants. Sincères, justes et réalistes, ils ont tous des qualités et des défauts. Abrielle, fille rebelle, Braden, dévoué aux règles, Sa, pur et jeune, Ca, timide et brillant … On a envie d'être leur ami, de les aider, de pouvoir leur apporter le bonheur qu'ils n'ont jamais connu. On veut leur crier de se révolter, de se bouger, de vivre libres, de se défaire des règles ! On veut les sauver, parce qu'on les aime. Oui sans le savoir, lentement, dans une sorte de valse immuable, on se rapproche de ses personnages d'encre et de papier et on les apprivoise. On s'y attache, petit à petit, et on ne veut plus les laisser partir, ces amis que l'on voudrait connaître encore plus.

Vous l'aurez compris, Carina Rozenfeld exécute une nouvelle fois à la perfection une symphonie, celle de l'humain. Un roman magnifique, où l'auteure à nouveau lie littérature et musique, passé et présent, pour créer un nouvel univers, l'atoll. De cet univers naissent des réflexions, des idées, mais tout est tourné vers un seul but : nous faire rêver. Un nouveau pari réussi pour Carina Rozenfeld, et haut la main ! 

Un roman brillant et lumineux, dont la mélodie qui nous conte rêves et espoirs, peurs et fureur, tristesse et haine, joie et amour, reste à jamais gravé dans nos esprits.
Théo

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