mardi 7 avril 2015

Chambre de Théo
Croignon, Aquitaine
France
Théo balança les fiches de cours qu’il avait promis de réviser et ralluma son ordinateur d’un geste sec. L’année du Bac n’avait pas encore commencé qu’il en avait déjà marre. Comment se concentrer sur des fichues équations alors que le sort du monde était en train de se jouer dans l’ombre ?
Depuis que le code noir avait été déclenché, il ne s’était pas écoulé une seconde sans que le jeune homme se fasse la même réflexion : à quoi cela pouvait-il bien servir de retourner au Lycée si les Autodafeurs devenaient les maîtres du savoir ?
Malheureusement pour lui, quand il avait voulu rejoindre la résistance, Marc De Vergy avait été formel. Il avait eu la chance de ne pas être découvert alors, par respect pour ceux qui s’étaient fait prendre, il devait continuer à faire comme si de rien était pour leur servir d’informateur.
Théo était entré par hasard dans la Confrérie, aucun de ses parents n’en était membre mais il avait été repéré grâce à son blog littéraire. Il se souvenait encore avec émotion de la surprise puis de la fierté qu’il avait ressenties quand Marc l’avait contacté pour la première fois et lui avait parlé de l’Ordre.
Bien sûr il avait commencé par se marrer. Une Confrérie, des templiers, des traqueurs, des Autodafeurs… il avait cherché la caméra, pensé que son cousin Nathan lui avait fait une blague (c’était bien son genre à cet ostrogoth) pourtant il avait fini par se rendre à l’évidence : le grand type couvert de tatouages au physique de star du rock lui disait la vérité et, mieux, il lui proposait de rejoindre leurs rangs.
« Le monde change, les blogs sont une arme magnifique pour défendre les livres et les propager auprès des jeunes, nous avons besoin de toi Théo », lui avait dit Marc avant de lui griffonner son numéro sur un bout de papier.
Théo n’avait pas réfléchi trop longtemps. Quarante-huit heures plus tard, il rejoignait la Confrérie pour débuter sa formation de propagateur… et six mois après le code noir brisait ses rêves.
Depuis, il était en colère.
- À quoi je sers, moi, maintenant, grogna le jeune homme en ouvrant son blog.
Il parcourut rapidement la page d’accueil du Cinéma des livres. Pas de messages, juste un petit commentaire sympa sur sa dernière chronique, Les géants, de Benoît Minville, et Théo allait fermer son ordi quand il réalisa qu’il y avait un problème avec sa bécane ; ça ne sautait pas aux yeux mais, pourtant, il en était certain, quelque chose avait changé.
Sautant de son lit, Théo s’assit sur sa chaise et posa son ordi devant lui sur le bureau.
- Alors mon coco, qu’est ce qui se passe aujourd’hui ? Encore un petit virus ?
Théo savait qu’en matière d’informatique il fallait mieux rester calme et c’est tout en douceur qu’il commença à regarder, un à un, les dossiers de son PC. L’ordi ramait, certaines icônes n’étaient plus tout à fait à la même place… ce n’était pas grand-chose mais c’était suffisant pour se demander si quelqu’un n’avait pas farfouillé dans son disque dur.
- Bordel de merde ! C’est quoi ce délire ?
Relevant la tête, Théo se retourna et chercha à se rappeler si sa chambre était bien dans cet état quand il était parti ce matin et quelques détails lui sautèrent immédiatement aux yeux : les tiroirs en dessous de son lit étaient tirés, or il les fermait toujours à cause de la poussière qui s'accumulait au fond, certains livres étaient à l'envers dans la bibliothèque ce qu’il détestait car c’était une horreur pour lire les titres.
Terminant son tour d’horizon, il revint poser son regard sur le bureau, et c'est là qu'il comprit ce qui l'avait fait tiquer tout à l'heure : il manquait des papiers, dont sa précieuse chemise en carton bleue, celle dans laquelle il conservait tous ses papiers importants… dont ceux concernant la Confrérie ! Autant d’indices qui lui firent froid dans le dos. Le moment qu’il redoutait depuis le déclenchement du code noir était en train d’arriver : il était repéré et il allait devoir fuir.
La sonnerie de la porte d’entrée le fit sursauter et Théo allait se lever pour aller ouvrir quand il suspendit son geste.
Il y avait un problème. Tous ses potes étaient encore en vacances, l’heure de la tournée du facteur était passée depuis longtemps et, dans son village, rares étaient les voisins qui venaient les voir sans avoir passé un petit coup de fil avant.
La sonnerie retentit à nouveau avec insistance et des poings se mirent à marteler la porte tandis qu’une voix criait : « Police ! Veuillez ouvrir. »
Théo sursauta. Qui que soient ces hommes, ils venaient de commettre une erreur car dans le village de Croignon, quand il y avait un problème, c’étaient les gendarmes qui venaient vous voir, pas la police !
Ce n’était plus le moment de réfléchir, il fallait agir. Farfouillant dans le bazar de sa penderie, Théo attrapa le petit sac à dos qui attendait dans l’ombre depuis 6 mois et jeta un rapide coup d’œil dans le jardin. Personne.
Théo avait déjà vécu cette scène mille fois dans sa tête en s’endormant. Son plan était prêt et il savait ce qu’il devait faire : déclencher l’alarme de son portable pour lancer une alerte à travers son blog, rejoindre les berges du ruisseau de Landrin qui coulait à quelques mètres, en suivre le cours sur deux kilomètres puis couper à travers les champs et les bois jusqu’à cette cabane, dont l'existence était connue seulement par ses cousins, son ami Arthur et lui. Ils l'avaient construite tous les quatre, l'été dernier, durant la semaine qu'ils avaient passée ensemble. Elle était masquée par de grands pins aux branches basses et on y entrait par le toit. À l'intérieur, une table, quelques verres, un réchaud de camping, et 4 hamacs, faits à partir de vieux draps, leurs avaient permis de passer une semaine tranquille, à rire, lire et se confier.
Un vieux poêle à bois trouvé à la déchetterie leur avait aussi permis de se retrouver lors d'une fraîche soirée de décembre où, emmitouflés sous d'épaisses couvertures, ils avaient veillé jusqu'au petit matin. S'il arrivait là-bas sans se faire suivre, Théo savait qu’il serait en sécurité jusqu’à ce la Confrérie vienne le récupérer.
Maître Akitori le lui avait promis : personne ne serait laissé en arrière, dès que son signal serait activé, quelqu’un viendrait le chercher.
Courir, voilà ce qu’il allait devoir faire… courir vite et sans se retourner.






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Sortie du tome 3 des Autodafeurs le 
Pour retrouver mes chroniques des tomes 1 et 2, c'est ICI et ICI

1 commentaires:

  1. On t'attends !!! Vu les gonzesses qui trainent sur Redonda on ne sera pas trop d'un mec de plus pour supporter le choc !
    Par contre j'espère que tu sais nager ....
    A plus
    Gus

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Salut !!
Merci de laisser une trace de votre passage, avec politesse, cela va de soi !!
Amicalement
Théo